Les aveugles et la question de l'éléphant
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LES AVEUGLES ET LA QUESTION DE L’ÉLÉPHANT
EXTRAIT DU LIVRE :
"Contes Derviches" de Idries Shah – Collection soufisme vivant – Le courrier du livre
Il était une ville, au-delà de Ghor, dont tous les habitants étaient aveugles.
Un roi, ses courtisans et ses hommes d'armes arrivèrent un jour à proximité. Ils établirent un camp dans le désert, aux portes de la ville.
Ce roi possédait un éléphant qu'il lançait dans la bataille pour terrifier et écraser l'ennemi.
Nos aveugles brûlaient de voir l'éléphant. Quelques-uns se précipitèrent comme des idiots à sa découverte. Puisqu'ils ne savaient pas quelle forme ni quelle allure cela avait, ils cherchèrent à l'aveuglette, recueillant des informations en palpant telle ou telle partie du corps de l'animal.
Chacun crut avoir découvert ce que c'était parce qu'il en avait touché un élément.
Quand ils furent de retour parmi leurs concitoyens, des groupes avides se rassemblèrent. Ces gens étaient impatients d'apprendre la vérité de la bouche des égarés. Ils posèrent des questions sur la forme et l'apparence de l'éléphant, écoutèrent ce que les palpeurs leur en dirent.
Celui dont la main avait atteint une oreille fut interrogé sur la nature de l'étrange créature.
« C'est une grande chose rugueuse, large et ample, dit-il. Ça ressemble à un tapis. »
« Moi, je sais de quoi il s'agit : c'est une sorte de tuyau, affreux et destructeur ! » s'exclama celui qui avait posé la main sur la trompe.
« C'est une sorte de pilier vivant », déclara celui qui avait palpé une patte.
Chacun avait touché une partie du corps de l'éléphant. Tous l'avaient mal perçu. Aucun ne connaissait le tout : la connaissance n'est pas la compagne des aveugles. Tous imaginaient quelque chose, tous se trompaient.
Le créé, que sait-il de la divinité ? Les voies de l'intellect ordinaire ne sont pas la Voie de la Science divine.
Ce conte est plus connu sous la forme que Rumi lui a donnée dans son Mathnavi (« L'éléphant dans la maison obscure »). La présente version est celle de Hakim Sanaï, maître de Rumi (Le Jardin clos de la Vérité, Livre I). Sanaï est mort en 1150.
Les deux versions sont elles-mêmes des interprétations d'un argument utilisé par les maîtres soufis depuis de nombreux siècles.
Cette fable présente notre vision du monde par notre prisme déformé de la réalité.
Elle illustre parfaitement le fonctionnement des personnes physique décrit par la méthode SIC® de Jean-Louis LASCOUX.
Chaque aveugle est persuadé d'avoir conscience du "tout" qui l'entoure alors qu'il n'en perçoit qu'une petite partie.
A chaque fois que nous nous enfermons dans une vision déformée de la réalité notre vision s'obscurcie au détriment de la vérité et donc d'une solution possible.
Le rôle du médiateur est de faire prendre conscience qu'une inimaginable discussion reste possible, celle entre autre de la légitimité des points de vues de chacune des parties.
Ces aveugles ne sont qu'une allégorie de nous-même lors d'un conflit.
Ils nous renvoient à la maxime de Socrate :
"TOUT CE QUE JE SAIS C'EST QUE JE NE SAIS RIEN." (APOLOGIE DE SOCRATE – PLATON)